SafeSky : voir, mais aussi être vu
L’espace aérien a beau être vaste, tout pilote a un jour ressenti la présence toute proche d’un autre appareil. Pas trop près, espérons-le… Les accidents dus à des collisions en vol représentent 3 à 5 % de tous les accidents aériens au monde, impliquant des aéronefs de tous types.
Petit retour en arrière, en 2002. Un ULM décolle de l’aérodrome de Vledderveen et vole au‑dessus de la région boisée du village néerlandais de Sellingen dans la province de Groningue. Le petit appareil se trouve dans une zone de vol à basse altitude des F-16. Sur la base aérienne de Kleine-Brogel, un F‑16 de la Force aérienne belge décolle, avec deux pilotes à bord. Les deux avions se trouvent réglementairement dans cette zone, et pourtant une collision se produit. L’un des pilotes du F-16 s’en sort grâce à son siège éjectable. L’autre pilote de la Force aérienne et le pilote de l’ULM décèdent dans l’accident. Les pilotes de ces avions ne se sont pas vus ?
Ce n’est pas que pour les grands !
Plusieurs systèmes anti-collision ont déjà été développés pour l’aviation générale. Mais a-t-on tenu compte des pilotes évoluant dans l’espace aérien à une altitude située entre 0 et 4500 Ft AGL ?
Il faut savoir que les systèmes existants sont beaucoup trop coûteux pour la petite aviation, les paramoteurs, les parapentistes, les deltaplanes et les ULM.
Le Français Tristan Fily est directeur d’une entreprise informatique et aussi pilote d’ULM. Il s’étonne qu’il existe si peu d’informations sur le trafic aérien entre 0 et 5000 pieds. Vous volez avec un transpondeur mode S, vous avez un ADS-B out … Très bien, mais qui vous « voit » ? Vous avez un TCAS ? Quel pourcentage du trafic est réellement visualisé sur votre écran ? Vous volez dans un espace aérien non contrôlé à 3500 pieds et un paramoteur lent se présente à la même hauteur devant vous, ce n’est pas inconcevable. Et le pilote de planeur, il pense qu’avec son FLARM, il est visible pour tout le monde ? Il faut reconnaître qu’il n’existe tout simplement pas de système d’information aérienne cohérent !
L’informaticien envisage alors sérieusement de développer une application. Beaucoup de pilotes emportent un smartphone ou une tablette en vol. Ces appareils sont des petits bijoux de technologie. Ils comportent une puce GPS, un baromètre, un altimètre, une boussole et un système de transmission qui permet d’échanger des données via le réseau mobile. Sur base de ces connaissances, Tristan et son frère Vincent se lancent dans la création d’un code source. L’app sera baptisée SafeSky.
Collaboration franco-belge
En octobre 2020, ils présentent leur système à 4 autres pilotes : Paul Windey (président de la Fédération d’ULM, pilote-instructeur d’autogire et de PPL en formation), Pierre Toussaint (pilote ULM expérimenté), Tanguy Detroz et Christophe Erkens (tous deux pilotes PPL et ULM). Une collaboration franco-belge voit ainsi le jour, dans le but commun de créer un espace aérien plus sûr pour tous les utilisateurs. S’inspirant de leurs expériences de pilote et d’entrepreneur, ils envisagent d’élever SafeSky à un niveau professionnel supérieur, créant une petite révolution dans l’aviation générale. Ils fondent une nouvelle entreprise et le 28 mars 2021, c’est le début de l’aventure SafeSky ! L’app est lancée en Belgique et en France, elle est tout de suite un succès. Les utilisateurs, qui entre-temps sont plus de 10 000, contribuent tous ensemble à l’objectif commun : accroître la sécurité aérienne pour tous. Depuis le 14 mai, l’app peut être téléchargée dans tous les pays européens, y compris le Royaume-Uni, la Norvège, la Suisse et les pays des Balkans.
SafeSky, comment ça marche ?
Téléchargez SafeSky directement sur votre smartphone ou votre tablette via Apple Store ou Google Play. L’app est compatible avec iOS (Apple, à partir de la version 13.0) et Android (à partir de la version 7.0). SafeSky ne donne pas accès à vos informations de compte, qui sont tout à fait distinctes. L’app est également équipée d’un système empêchant l’accès aux robots. Une fois l’app installée, vous devrez uniquement autoriser l’utilisation de votre position pendant le vol. Vous pouvez rester anonyme ou non, c’est vous qui décidez des réglages. En choisissant l’écran partagé sur votre tablette, vous pouvez utiliser SafeSky à côté de votre application de navigation habituelle.
Rien de plus simple !
Vous choisissez le mode d’affichage : carte ou radar. Lorsqu’un avion est proche de vous, en mode radar vous voyez d’un seul coup d’œil le trafic environnant (à droite ou à gauche, au-dessus ou en dessous), vous pouvez donc regarder rapidement à l’extérieur pour repérer les appareils à proximité. Via l’internet mobile, votre appareil envoie votre position aux serveurs SafeSky et, en retour, vous êtes informés de la position des autres utilisateurs : il s’agit non seulement des utilisateurs SafeSky (représentés par des pictogrammes bleus) mais aussi des utilisateurs des systèmes ADS-B, FLARM et OGN (représentés par des pictogrammes noirs). Il est prouvé qu’un pilote averti suffisamment tôt du trafic convergent peut visualiser ce trafic beaucoup plus vite. Voir et éviter, See and Avoid, est le principe fondamental du trafic VFR. SafeSky y ajoute une autre dimension : être vu !
L’app est-elle fiable ?
SafeSky n’est pas un outil de navigation supplémentaire. Le système fonctionne de façon passive : vous ne recevez des informations que si cela est nécessaire. Tant qu’il y aura des pilotes qui voleront sans se rendre visibles par l’un ou l’autre système, le danger persistera. On peut comparer cette situation à une voiture qui roule sans phares la nuit. Vous la verrez quand il sera trop tard ….
Les avions qui sont uniquement équipés d’un transpondeur mode S ne sont pas non plus visibles par SafeSky. En Belgique, les données de position de ces appareils se trouvent chez Skeyes et ne sont pas (encore ?) accessibles. Grâce à SafeSky tout le monde a la possibilité d’allumer ses phares, de voir et d’être vu.
SafeSky est une app certifiée. Son bon fonctionnement dépend de votre tablette ou smartphone, de la réception par satellite et de votre connexion à l’Internet. Cette dernière ne pose pas de problème en Belgique : à 4 500 pieds, la réception est garantie sur plus de 90 % du territoire.
Le message est clair : il faut rester vigilant et continuer à « see and avoid ». Mais l’app SafeSky est là aussi pour vous aider, en vous informant sur le trafic à proximité. Si tous les pilotes utilisaient SafeSky, ADS-B (out) ou Flarm, tout le monde serait bien visible !
Plus il y aura d’utilisateurs SafeSky, plus l’espace aérien sera sûr. Be part of the solution and join the SafeSky community !
SafeSky vous en offre plus
En vous abonnant à la version payante « Early Bird » (24,99 euros par an), vous aurez droit à plusieurs options supplémentaires intéressantes : vous pouvez inviter des compagnons de vol, que vous pouvez ensuite suivre, localiser et inviter à participer à un vol en escadrille. Tous les participants de votre escadrille auront la même couleur, ce qui permettra de les trouver encore plus rapidement en vol. L’app vous offre aussi la possibilité d’envoyer des messages préprogrammés à vos amis pendant un vol, p.ex. « Contactez-moi sur 123.450 » ; vous pourrez ensuite communiquer avec eux par l’intercom. Durant les mois d’été à venir, d’autres fonctions seront proposées, même si le but ultime reste d’éviter des collisions !
Auteur: CO