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Entretien avec Thibauld Jongen, PDG de la Sabca

UN JOYAU DE LA COURONNE EN TEMPS DE CORONA

La Sabca et la Sabena n’ont pas seulement la tête et la queue de leur acronyme en commun, mais elles ont aussi souvent marqué l’histoire de l’aviation belge, d’abord dans le domaine des constructions aéronautiques, ensuite dans la navigation aérienne.

Sabca hoofdkantoor Brussel

Entre-temps, la Sabena a péri péniblement, alors que la Sabca par contre célèbrera son centenaire le 16 décembre prochain. Elle possède un impressionnant palmarès dans les domaines les plus varies de l’aviation et de la navigation spatiale. Un livre et même une bande dessinée sont publiés à cette occasion.

Le CEO Thibauld Jongen (49) peut donner presque les même lettres de noblesse : ingénieur civil en mathématiques appliquées, un master à Los Angeles, des doctorats en Suisse et aux États-Unis (NASA), des distinctions et prix scientifiques. Noblesse oblige.

Thibauld Jongen

SKYHALL

Vous aurez envie de fêter tout à l’heure ?

Thibauld Jongen : « Avant la crise corona, nous avions de grands projets : nous louerions le Skyhall de Brussels Airport pour y fêter avec nos familles, amis, clients et actionnaires. Mais la Covid-19 nous oblige à économiser et à tenir compte des années difficiles qui s’annoncent. La fête sera non seulement plus restreinte, mais, en quelque sorte, aussi plus large grâce à l’organisation de sessions et de conférences académiques sur les cent ans d’industrie aéronautique et aérospatiale en Belgique. »

Cet événement en mineur, il n’a pourtant rien à voir avec la vente de la Sabca par le constructeur aéronautique français Groupe Industriel Marcel Dassault, qui n’a pas réussi à vendre son avion de combat Dassault Rafale à la Belgique ?

Jongen : « Il n’est pas question d’un rapport direct, de représailles ou de vengeance d’un partenaire dépité qui s’en va. Remarquez qu’en effet, Dassault a fait son entrée dans la Sabca par sa vente du Mirage 5 à la Force aérienne belge il y a environ 50 ans. Entre-temps,

Dassault n’avait plus d’intérêts stratégiques dans notre pays ni en Europe et il s’est mis à se concentrer surtout sur le Moyen-Orient et l’Asie, les utilisateurs finaux de ses appareils.

À vrai dire, ce n’est pas du tout une surprise, parce que la Sabca était déjà en vente il y a dix ans. D’Ailleurs, depuis des années, elle n’était plus gérée ou soutenue, c’est comme si l’on disait: « Débrouillez- vous ».

« Maintenant, par contre, le holding nouveau-né belge Blueberry, qui a repris la participation complète des actions Sabca de Dassault Belgique Aviation, garde les mains libres pour utiliser nos atouts avec des actionnaires motivés belges. »

LES PETITS BELGES ?

Comment a été la relation avec Dassault dans le passé ? Nous n’étions pas toujours les petits Belges ?

Thibauld Jongen (rit) : « Pas du tout, on nous a toujours traités très respectueusement. Dassault est un groupe industriel sérieux et lorsde la vente, on a donné la préférence à des investisseurs belges pour pouvoir garantir les intérêts de la Sabca à long terme. »

« En effet, Blueberry comprend tant un bras financier fort avec la Société fédérale de Participations et d’Investissement (SFPI) qu’un bras industriel avec Sabena Aerospace qui connaît le business à fond. »

« Et, ce qui n’est pas non plus négligeable, Blueberry veut évidemment que son investissement soit rentable, pas comme private equity avec un rendement rapide, mais plutôt comme patient equity, ce qui signifie que l’on doit avoir de la patience et comprendre

l’échelle du temps pour des développements dans l’aviation et la navigation spatiale. Garder désormais le centre de decision dans notre propre pays est tout aussi important pour le développement industriel que pour l’emploi. »

Hydroglisseur

En ces temps difficiles, Thibauld Jongen est plein d’idées et il parle même de pré-Covid-19 et de post-Covid-19.

Jongen : « La Sabca est unique au monde, parce qu’elle possède tout un éventail de compétences, la fabrication, l’électronique, le développement de logiciels, le design, la maintenance et ainsi de suite. Dans la période pré-Covid-19, cette diversification était considérée comme une faiblesse parce que trop large. Dans la période post-Covid-19, elle nous donnera plus de ressort parce que dans l’aviation commerciale nous allons certainement vivre des temps difficiles, que nous pourrons surmonter grâce à des ordres de la Défense et de la navigation spatiale. »

Jongen ne va certainement pas baisser les bras. En effet, à une époque lointaine, la Sabca a même construit des avions légers, même un hydroglisseur actionné par une hélice pour le fleuve Congo.

Thibauld Jongen : « Notre logique prochaine étape est le développement complet et certifié de drones, produits à 100 % dans nos propres ateliers. »

Pour conclure, une question inévitable : vous êtes pilote vousmême ? Thibauld donne une réponse surprenante : « Je pilote quand même de petits modèles réduits, mais si j’avais le temps, je préférerais un PPL. » Thibauld Jongen, un patronyme (« le Jeune ») qui porte bien son nom.

 

Plus d’informations sur Sabca via le site web.

Auteur : Luca Swinnen – Photos : archief Sabca