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Pegasus,

n’est pas le seul cheval volant

Vous vous êtes déjà imaginé, voler avec des chevaux ? Doivent-ils aussi se présenter deux heures à l’avance à l’aéroport ? Faut-il réserver un container par cheval et faut-il payer par kilo, comme pour du fret ? Y a-t-il une hôtesse de l’air à bord pour servir quelque chose à manger et à boire aux animaux ? Les réponses à ces questions sont fournies par EHS (European Horse Services) à Meetkerke, le plus grand acteur belge sur le marché du transport des chevaux. Cette entreprise située en Flandre occidentale transporte environ trois mille chevaux par an par avion.

Agence de voyages pour chevaux

Une toute nouvelle infrastructure comprenant plus de cent écuries, une piste couverte, un solarium… où l’hygiène règne partout. Cet hôtel de luxe héberge les chevaux qui partiront en voyage. Une équipe de dix-huit collaborateurs fixes est à la disposition pour vraiment tout régler : des titres de voyage aux certificats sanitaires, des soins et de la détente aux suivis médicaux par un vétérinaire équin spécialisé, qui passe chaque jour. Agence de voyage, hôtel, transport … bref, un all-inclusive pour chevaux. Et n’oublions pas les collaborateurs free-lance, comme les grooms, ces soigneurs qui accompagnent les chevaux lors du voyage pour les surveiller de près. Comparez-les à des hôtesses de l’air personnelles.

La Belgique dans le top 3

La Belgique est la Mecque de l’élevage de chevaux. Notre pays trône sans aucun doute dans le top trois en ce qui concerne l’exportation des chevaux de saut d’obstacles. C’est pourquoi beaucoup d’Américains viennent chez nous pour en acheter. On fait alors souvent appel à EHS pour régler le voyage du cheval vers les États-Unis. EHS n’est pas seulement engagé lors des ventes de chevaux, mais aussi pour le transport en vue de concours. Pensez par exemple aux Longines Masters Series, l’un des concours de saut d’obstacles les plus prestigieux du monde. Les chevaux participants sont transportés à Liège depuis de différents pays. L’aéroport de Liège est équipé d’un Horse-In où les chevaux peuvent être hébergés dans les circonstances les plus optimales avant ou après le vol. Ensuite, tous les animaux partent ensemble par charter à destination du concours, par exemple Hong-Kong ou New-York.

En quoi diffère un vol pour chevaux d’un vol pour hommes ? Francine Vantorre d’EHS répond à nos questions. (photo Francine)

Par quels aéroports transportez-vous les chevaux ?

Cela dépend de la destination. Tout aéroport a sa spécialité. En Belgique, on se rend 2 à 3 fois par semaine à l’aéroport de Liège pour des vols non seulement vers New-York mais aussi vers Dubaï et Tel-Aviv. On part aussi d’Ostende ou de Brussels Airport, mais pas aussi souvent, vu que ces aéroports volent sur moins de destinations et sont moins bien équipés. KLM et Martinair sont les principaux acteurs à Amsterdam, Cargolux au Luxemburg et pour les vols vers le Japon et la Chine, on part le plus souvent de Francfort par Lufthansa.

Comment se déroule exactement un voyage d’un cheval ?

Cela dépend en large mesure du pays de destination. Pour certains pays, avant le voyage, les chevaux doivent être mis en quarantaine pendant 7 à 30 jours. L’Australie et la Nouvelle-Zélande appliquent des conditions encore plus sévères. C’est le propriétaire du cheval qui décide de la façon de voyager de son cheval. Tout comme chez les hommes, on peut choisir entre economy et business class. Un seul container peut accueillir trois chevaux, séparés l’un de l’autre par une cloison. Si l’animal voyage en business, il a un demi ou un entier container à sa disposition. Nous veillons à ce que les chevaux aient le moins de stress possible. Il faut que les animaux se présentent à l’aéroport cinq heures avant le départ. Nous examinons ensuite la meilleure place pour le cheval ainsi que son meilleur «  compagnon de voyage  ». Une vingtaine de minutes avant le départ, les chevaux sont embarqués. Le groom lui aussi monte à bord pour fournir de l’eau et du foin au cheval.

Les chevaux éprouvent-ils des désagréments lors du vol ?

Certains animaux souffrent du stress. Les chevaux compétitifs volant régulièrement, par contre, n’éprouvent pas de désagréments. C’est comme chez les hommes : ceux qui ne volent que pendant les vacances d’été sont peut-être plus nerveux que les hommes d’affaires qui prennent l’avion chaque semaine.

Pendant le vol, les chevaux dorment la plupart du temps, tout en restant debout dans leur container. Les grooms veillent à ce que les animaux boivent suffisamment d’eau lors du vol. Mais on ne peut pas leur donner à manger pour ainsi éviter des crampes ou de la constipation, ce qui peut causer une colique. Pour éviter ce risque, on ne donne que du foin à l’animal.

Un billet d’avion pour un cheval, ça semble coûter assez cher, non ?

Cela dépend. Il n’existe pas de vols standard pour les chevaux. Nous organisons le voyage sur la base du nombre de chevaux et de la destination. Nous nous trouvons dans un petit monde où nous communiquons bien avec nos clients et nos partenaires. Par exemple, si nous disposons d’une place libre dans un container, nous l’offrons à nos collègues pour le cas où ils auraient encore un cheval à transporter. On obtient ainsi une organisation optimale ainsi qu’une occupation maximale. Une fois que nous avons réglé le transport, le propriétaire du cheval est informé du moment précis du voyage. Si le cheval vole en economy class, c’est-à-dire avec 3 chevaux en un seul container, le voyage vers New-York coûte environ 2 500 € par cheval. Cela comprend le vol ainsi que l’accompagnement par le groom. Il faut évidemment encore y ajouter les frais de l’écurie, de l’organisation, du transport routier et des vaccins nécessaires.

Une entreprise fructueuse alors ?

On ne se plaint pas, mais il ne faut pas sous-estimer le travail. La connaissance requise et les investissements faits pour pouvoir offrir ces services… ce n’est pas aussi évident. Nous avons, bien-sûr, la chance que le sport hippique soit et reste d’un engouement très populaire.

Le steward pour chevaux

Special jobs: groom

Dans la commune rurale de Beernem, on s’est donné rendez-vous avec Gino Verplancke (50). Il y habite une vieille ferme pourvue à l’arrière – comment pourrait-il être autrement – d’une écurie. Deux Haflingers viennent immédiatement nous dire bonjour. Nous disposons d’une petite heure pour interviewer le groom, parce que ce soir même, il a encore un vol à son programme.

Toute sa vie, Gino a été actif dans le monde équestre. D’abord comme amateur, puis comme étalonnier professionnel. Il y a dix ans, lorsque le secteur était en difficulté, Gino a décidé d’aller gagner des extras. Sur les conseils d’un ami, un maréchal-ferrant, il a commencé à travailler comme groom, un job dont il n’avait pas encore entendu parler avant et dont il ne connaissait même pas l’existence. Entre-temps, il a déjà fait des centaines de vols, dont environ 2/3 vers New-York.

« Si j’épargnais des miles aériens,

je pourrais encore faire quelques voyages… »

Quelles tâches le groom effectue-t-il?

Je travaille sur une base indépendante, entre autres pour European Horse Services de Meetkerke. Pendant la saison – de septembre à fin février – je fais en moyenne deux vols par semaine.

En général, je vole depuis Liège. La compagnie aérienne israélienne CAL ainsi qu’ASL Group y sont très actifs. Je suis présent à l’aéroport environ cinq heures à l’avance pour contrôler les containers, pourvoir les écuries de foin et d’eau et pour faire la paperasserie. Une fois que les chevaux se sont acclimatés, après environ deux heures, on peut commencer à les charger. Quand les jambes des chevaux « s’écartent », c’est parfois un signe de stress. Et c’est ce stress que je veux éviter, vu que l’espace dans le container est assez limité et la force d’un cheval peut faire des ravages. Avant le boarding, les containers aériens (écuries dans lesquelles les chevaux se trouvent lors du vol), avec les chevaux dedans, sont mis sur le pont-bascule pour que le loadmaster puisse calculer le weight & balance.

Une fois à bord, je transmets les informations aux pilotes. Je tiens à ce qu’ils soient clairement informés de l’état des animaux. À ma demande, les pilotes adaptent la température par zone ou allument un peu plus la soute, si nécessaire. Dans les containers aériens mêmes, il fait plutôt sombre. Il arrive que j’accompagne un seul cheval ou plusieurs chevaux à la fois. Cela dépend des prescriptions de la compagnie aérienne et, évidemment, des souhaits du client.

Lors du vol, je me trouve successivement dans les containers aériens et sur mon siège de saut. Je fournis de l’eau aux animaux et je contrôle leur état de santé et m’assure de leur constant bien-être. Si je vois ou si je m’attends à des problèmes, je reste plus longtemps dans la soute chez mes « passagers ».

« Il faut que je tienne les chevaux sur leurs jambes lors du vol, parce que, s’ils se couchent, on est perdu. »

Après l’atterrissage, les chevaux sont déchargés. Je briefe le transporteur qui vient les chercher et je remplis les formalités administratives. Après environ trois heures, je prends à nouveau place à bord de ce même avion-cargo à destination de la Belgique, avec un autre équipage et le plus souvent sans chevaux.

De quelles qualités un bon groom doit-il disposer ?

Il est indispensable d’avoir une bonne connaissance des chevaux et d’avoir de l’expérience. Il faut savoir quelles races ou lignées peuvent présenter des problèmes lors du vol. On doit pouvoir évaluer et anticiper sur les risques. À cet effet, j’ai suivi un cours étendu, une sorte de premiers soins pour chevaux, pour pouvoir détecter à temps des symptômes pathologiques et pouvoir administrer un calmant si nécessaire. Si tout va bien, c’est un jeu d’enfant. Si cela tourne mal, on doit pouvoir agir adéquatement et prendre des décisions.

Ensuite, la connaissance des langues est aussi importante. Je communique aussi bien avec les pilotes, les autorités, le personnel au sol qu’avec les camionneurs. L’un parle le français, l’autre l’allemand et l’anglais est la langue véhiculaire dans l’aviation. Et quelques mots d’espagnol me rendent bien service. On obtient plus facilement des choses en parlant la même langue.

Et finalement, être aventureux est tout de même aussi une condition.

Quel est l’aspect le plus beau du job ?

Je travaille avec les chevaux et je peux en même temps voir le monde ! Je visite des endroits qu’autrement je ne visiterais pas. Si l’avion est touché par des défaillances techniques et si nous ne pouvons pas immédiatement rentrer, je fais de nécessité vertu en m’imprégnant de la culture locale et en découvrant le pays. Si on vole sur des destinations sud-américaines ou asiatiques, on ne peut pas retourner à bord de l’avion-cargo, mais on est obligé de prendre un vol de ligne. Dans ce cas aussi, on peut parfois rester quelques jours sur place.

Y a-t-il aussi des aspects négatifs ?

(Rit) Évidemment ! Ce n’est pas aussi romantique que l’on pense.

Je ne vais pas « en vacances », hein, c’est tout d’abord travailler ! Travailler comme groom nécessite aussi du travail physique lourd pour installer les containers. Et il y a la fatigue à cause des heures de travail irrégulières. Je suis actif pendant beaucoup de nuits où je ne vois pas mon lit. Ce ne sont pas seulement les chevaux qui souffrent du décalage horaire, hein !

« Touché par des décalages horaires ?

Voler vers l’est est pénible, voler vers l’ouest est plus facile pour moi. »

Combien de Belges travaillent comme groom ?

Je pense qu’il n’y en a que six. Beaucoup d’appelés par l’aspect aventureux, mais peu d’élus quand ils se rendent compte de la dureté du travail.

Les autres grooms que je connais sont surtout des Néerlandais et quelques Français et Allemands. Il y a aussi quelques femmes, même si c’est plutôt un monde d’hommes… Le travail physique qui est en jeu ne doit pas être sous-estimé. Dans ce job, il n’est pas évident pour une femme d’agir comme un homme.

Un petit monde alors. Souvent les mêmes personnes à bord ?

En étant dans le métier depuis dix ans et en volant avec les mêmes compagnies, on commence à bien se connaître, tant les grooms collègues que les pilotes. Tout le monde connaît son job et on se respecte les uns les autres. Beaucoup d’amitiés se sont créées à travers les années. Nous savons où se trouvent le frigo et la cafetière et si la compagnie le permet, nous nous servons de l’un comme de l’autre.

Lors d’un tel vol de fret, il y a huit sièges disponibles : deux pour les pilotes et six pour les passagers. Outre les grooms, il y a aussi souvent des gens du monde artistique ou musical. Dans ces branches, on accompagne aussi le transport d’œuvres d’art ou d’instruments coûteux.

Pourquoi le faites-vous et combien de temps encore ?

Je trouve que c’est un job fantastique. Les revenus sont corrects et on est payé par vol. En exerçant le job sur une base indépendante, on peut certainement en vivre de façon convenable, tout en ayant encore quelque temps libre entre les vols. Cependant, la plupart des grooms combinent ce job avec d’autres activités. Comme moi, ils sont parfois actifs dans l’élevage de chevaux et c’est surtout cette combinaison qui le rend dur.

Lors des vols problématiques, j’entends parfois se plaindre les collègues : « Ça a été mon dernier vol. J’arrête ! » Et après avoir été quelques jours à la maison, l’envie les démange. (Regard plein d’espoir, mais aussi inquiétant…) J’espère voler encore trois années environ.

Et que ferez-vous après ? Apprendre à voler vous-mêmes ?

J’ai toujours été fasciné par l’aviation. Je m’intéresse particulièrement aux aspects techniques des avions à bord desquels je vole. Je voudrais certainement voler sur un petit appareil. (Gino rit) Peut-être que j’apprends facilement des langues étrangères, mais je n’ai jamais été un crack en maths. Je ferais donc mieux de rester avec mon premier amour : les chevaux !